Le Chapitre 2 de Destins liés:

  • Roseline Nkezabahizi

Le Chapitre 2 de Destins liés:

Cela faisait maintenant trois mois qu’Héliana vivait chez les Bélizario. Comme convenu, Théodakis l’avait mis en contact avec l’un des meilleurs psychologues de la ville. Auprès des Bélizario, elle se sentait en sécurité. Ils étaient devenus très proches. Théodakis avait veillé à ce que Florencia lui trouve une garde-robe superbe. Héliana ne manquait de rien. Cependant, elle ne sortait guère si ce n’est que pour se rendre au cabinet du psychologue. Elle avait en effet peur qu’une personne lui pose des questions à son sujet ; des questions auxquelles elle ne saurait quoi répondre. Un après-midi, plus précisément lors de sa dixième séance chez le psychologue, celui-ci lui tint ses propos :
-Héliana, j’aimerai vous entretenir de quelque chose de très important. Mais, promettez-moi que vous ne vous emporterez pas.
-Je vous écoute, docteur. Je suis disposée à tout entendre, dit-elle simplement.
-Vous savez Héliana, je déteste donner de faux espoirs à mes patients parce que j’ai un profond respect pour ceux-ci. C’est la première fois que je me trouve confronté à une situation aussi délicate.
-Soyez plus explicite, docteur.
Ce dernier marqua un long moment de silence et dit :
-Héliana, je suis au regret de vous annoncer que je ne peux rien pour vous. J’ai tout essayé, absolument tout sans succès. Franchement, je ne sais plus quoi faire. L’hypnose régressive ne donne aucun résultat. Il semble qu’une force obscure s’oppose à ce que vous retrouviez la mémoire.
-Mon Dieu ! Dîtes-moi que ce n’est pas vrai !
-Héliana, je pense pour ma part que vous devrez essayer de reconstruire votre vie. Votre mémoire vous reviendra au moment où vous vous y attendrez le moins. En clair, vous devez arrêter de faire une fixation sur votre passé. Ne vous inquiétez pas pour vos parents. S’ils vous aiment vraiment, ils vous retrouveront. Voyez le bon côté de la chose. Vous avez à vos côtés des personnes formidables qui vous aiment énormément. Rendez leur cet amour ! Je ne pense pas qu’ils vous abandonneront vu tout ce qu’ils font pour vous.
-Je… Excusez-moi docteur mais il faut que j’y aille.
-Héliana, soyez courageuse s’il vous plaît ! D’autres personnes que vous ont vécu des situations beaucoup plus traumatisantes sans soutien. Mais elles s’en sont sorties.
-J’en tiendrai compte, docteur. Mais pour l’heure, il faut que j’y aille.
-Je vous raccompagne à la porte.
Héliana se retint de pleurer. Ce ne fut qu’une fois dans le taxi qu’elle laissa libre cours à ses pleurs.
« C’en était fini d’elle, de son passé. Une nouvelle vie l’attendait désormais de même qu’une nouvelle identité. Qu’allait-elle devenir ? Les Bélizario finiront par se lasser d’elle. Non, il lui fallait agir. Elle demanda au chauffeur de changer de destination. Elle ne rentrerait pas maintenant à la maison.
*****
-Bonsoir papa, bonsoir sœurette ! fit-elle d’une toute petite voix en allant les embrasser.
Ils étaient déjà attablés.
-Bonsoir mon ange ! Te portes-tu bien ?
-Bonsoir aînée. Assieds-toi pendant que tu y aies !
Elle s’exécuta.
-Où étais-tu? demanda Théodakis, il est vingt heures, mon enfant.
-Je… J’étais allée en villégiature, dit-elle, en se servant une salade composée.
Héliana ne fit que chipoter dans son assiette. Après le dîner, Théodakis annonça qu’ils prendront le café dans son bureau. Héliana prétexta la fatigue pour s’échapper mais il l’entraîna fermement dans la pièce. Une fois devant leurs tasses respectives, il prit la parole :
-Poupée, le docteur Lopez m’a appelé. Il m’a tout raconté et je comprends parfaitement ce que tu ressens en ce moment.
Héliana éclata en sanglots. Florencia la prit dans ses bras.
-Je me suis rendue dans quelques commissariats pour jeter un coup d’œil aux avis de recherche. Je suis si bouleversée qu’aucun membre de ma famille ne pense à me retrouver. Je n’étais donc pas aimée.
-Nous t’aimons, nous.
-Je ne veux plus être une charge pour vous. Vous avez assez fait pour moi.
-Qui te parle de charge ? dit Théodakis. Ma chérie, j’ai une proposition à te faire.
-Une proposition ? Laquelle ?
-Que dirais-tu de porter mon nom pour de vrai ? Tu es d’accord avec moi que tu ne peux pas continuer à vivre sans identité !
-Vous voulez vraiment que je porte votre nom?
-Oui. Tu t’appelleras Héliana Bélizario. Nous te fabriquerons une histoire plausible. L’idée vient de Florencia. Ma fille t’aime énormément et ne peut pas se résoudre à te perdre.
-Bien sûr qu’il me plairait de porter votre nom ! Enfin, je me sens revivre. Mais, comment allez-vous vous y prendre ?
-Avec la complicité d’un ami qui travaille à la municipalité, nous te ferons un passeport et un acte de naissance qui attestera que tu es ma fille et que ta mère est décédée. Inutile de te dire qu’il s’agit d’un faux et usage de faux.
-Mon Dieu ! Je ne veux pas vous créer d’ennuies.
-Tu as sauvé la vie de ma fille. Je le ferai donc. Bien entendu, nous ferons disparaître ton passeport et cet acte lorsque tu retrouveras ta famille. Ne t’inquiète pas, j’ai des contacts. Seulement, cela doit rester un secret.
-Comment pourrais-je vous remercier ? C’est trop ! Merci. Mille fois mercis.
-Tout ce que nous voulons, c’est que tu t’épanouisses.
-Oh Florencia, merci. Merci beaucoup ! dit-elle, en la couvrant de baisers.
-Ma chérie, étant donné que tu seras officiellement une Bélizario, il va falloir changer un certain nombre de choses en toi. Ta coupe de cheveux par exemple. Ta sœur te donnera des cours de bonnes manières et t’apprendra à mieux t’exprimer. Vois-tu, nous côtoyons le gradin. De plus, tu dois arrêter de me vouvoyer pour donner plus de crédibilité à notre mensonge. Que sais-tu faire au juste ?
Spontanément, elle répondit :
-La couture.
-La couture ? Ça par exemple ! Jamais je ne l’aurai imaginé. Cependant, je ne pourrai jamais accepter que ma fille soit seulement une couturière.
-Que veux-tu que je fasse dans ce cas, papa ? J’aimerai tellement te faire plaisir !
-Devine ma chérie !
-Je n’en ai aucune idée.
-Je veux faire de toi la plus célèbre des mannequins de la Colombie.
-Moi ? Mais, je n’ai aucune expérience !
-Tu apprendras vite, dit Florencia. Papa et moi, pensons qu’en te rendant célèbre, tes parents te retrouveront plus vite.
-Cette idée n’est pas mal. J’accepte ! Papa, sœurette, façonnez-moi ! Je veux être celle que vous désirez que je sois. Toutefois, j’ai une appréhension.
-Laquelle ? demandèrent-ils en chœur.
-Je ne suis pas aussi belle que les mannequins que je voie à la télévision. Cela ne risque-t-il pas d’être un frein à la réalisation de notre objectif ?
Les Bélizario éclatèrent de rire.
-Tu ne sais vraiment pas ce que tu dis, Hélie. Observe-toi attentivement dans la glace et plus jamais, tu ne diras pareille absurdité, fit Florencia en riant de plus bel, imitée en cela par son père.

En moins de trois mois, Héliana devint un mannequin célèbre. Dans les magazines, à la télé, on ne parlait plus que d’elle. Ses débuts furent toutefois difficiles car elle dut faire de nombreux efforts pour apprendre à défiler et pour suivre le régime alimentaire de ses consœurs. Sa beauté subjugua plus d’un ; ce qui arrangea Théodakis car tous les organisateurs de défilé voulaient l’avoir dans leurs manches. Théodakis signa ainsi de nombreux contrats. Héliana devint encore plus belle avec tous les soins du corps qu’elle reçut. Les hommes commencèrent à s’intéresser à elle aussi fuyait-elle les réceptions mondaines. Florencia ne cessait de se moquer d’elle. Elle se fit de nombreux amis parmi les admirateurs d’Héliana. Entre les mannequins, l’entente était au beau fixe car Héliana en dépit du fait qu’elle soit « la fille de Théodakis», était fort sympathique et respectueuse. Cependant, elle ne mâchait pas ses mots lorsqu’une situation la contrariait.
*****
Erik Cipriano Rodriguez fut chaleureusement accueilli par ses employés lorsqu’il rentra du Mexique. Aucun d’entre eux ne s’attendait à son arrivée. Erik faisait partir de ces hommes imprévisibles qui débarquent à l’improviste. La cuisinière se mit aussitôt à lui concocter les meilleurs plats. Erik habitait à la Zona Rosa, sur la Plaza Bolivia, un quartier riche de Bogotá.
Après avoir pris un bain dans sa baignoire de couleur jaune citron, Erik enfila un bermuda et un tricot griffé. Il fit ensuite le tour de sa somptueuse résidence, histoire de vérifier que tout était en ordre. Un soupir lui échappa. Il est vrai qu’il aimait venir se reposer chaque deux mois dans son pays d’origine. Cependant, chaque fois qu’il y mettait les pieds, il mourait aussitôt d’envie de retourner au Mexique ; cela, à cause de son passé. Ce passé qui l’avait traumatisé à vie. Fils unique de Felipe Cipriano, véritable richard et de Rosario Rodriguez sa mère défunte, Erik n’avait jamais voulu jouir de cette fortune colossale. Il n’entretenait d’ailleurs plus aucun lien avec son père et cela, depuis de nombreuses années. Aujourd’hui, il était devenu un homme d’affaires influent et puissant qui se souciait peu d’avoir une relation durable avec le sexe opposé car disait-il, si son père n’avait eu aucune considération pour sa mère, lui non plus n’en aurait pas pour une femme. Sa devise était de ne jamais garder une femme auprès de lui, plus de trois jours. Il avait de nombreuses amantes et ne le cachait pas. D’ailleurs, toutes ses maîtresses se connaissaient et acceptaient ce fait. C’était la condition pour toutes les femmes qui désiraient l’avoir comme amant. Hormis sa fortune et son audace, Erik est un fort bel homme qui aime l’élégance et le soin du corps. Il y accordait d’ailleurs beaucoup d’importance. Erik Cipriano Rodriguez était doté d’un physique ravageur qui faisait chavirer le cœur de toutes les femmes. Ses yeux bleus étincelaient dans son visage arrogant et sensuel. Quant à son corps élancé, souple et à la musculature harmonieuse, il donnait une impression de force. Chacun de ses gestes était empreint d’une grâce féline. Il était grand, possédait des dents blanches et régulières ainsi que des cheveux bruns et des lèvres fermes et sensuelles. Erik Cipriano Rodriguez était terriblement séduisant. Même les femmes mariées succombaient à son charme mais lui ne s’intéressait qu’aux célibataires. Jusqu’à présent, il n’était pas encore tombé amoureux d’une femme. Selon lui, cela n’arrivera jamais parce qu’il ne le souhaitait pas. Il en voulait tellement à son père pour le mal qu’il avait fait à sa mère ! Aujourd’hui, Felipe cherchait à renouer le contact avec lui mais il ne voulait rien savoir de lui. Qu’il reste donc avec sa chère Brenda !
Erik ne se confiait jamais. Il passait pour être un homme dur, fier, prétentieux. Seul son meilleur ami Julio Estrades arrivait à le comprendre et à le cerner car il était le seul à qui il avait révélé la vérité sur son passé douloureux. Julio travaillait dans le domaine de l’assurance. A ce stade de ses pensées, il secoua la tête. Il se faisait du mal en se remémorant le passé. Et s’il appelait Julio ? Le voir lui ferait le plus grand bien. Il composa aussitôt son numéro de son portable.
-Allô !
-Julio mon pote, c’est Erik !
-Erik ! Mon partenaire, comment vas-tu ?
-Bien. Je suis seulement un peu fatigué.
-Es-tu arrivé aujourd’hui ?
-Oui.
-Pourquoi ne m’as-tu pas prévenu de ton arrivée ? Je serai venu te chercher à l’aéroport !
-Je suis venu sur un coup de tête.
-Je suis très heureux de te savoir de nouveau parmi nous. Tu m’as manqué.
Erik éclata de rire et dit :
-Julio, ma cuisinière est en train de me concocter un véritable festin. Et si tu venais dîner avec moi ? Je m’ennuie à mourir !
-Je dormirai même chez toi. Nous avons tellement de choses à nous dire !
-À tout à l’heure alors !
-À tout à l’heure !
Ils raccrochèrent en souriant. Erik demanda à la cuisinière de prévoir un couvert de plus et de préparer une chambre pour Julio.
*****
-Hello mon pote ! fit Julio en brandissant une bouteille de vin fort, regarde ce que j’ai ramené avec moi !
-Génial !
Ils se jetèrent dans les bras l’un de l’autre et se firent des accolades. Julio portait une chemise blanche aux manches courtes et un pantalon gris. C’était un homme brun et élancé. Il n’était pas mal.
-On passe à table ? proposa Erik.
-Que de bon mets ! s’écria Julio une fois attablé. Je sens que je serai gourmand ce soir.
Erik leur servit le vin.
-Que s’est-il passé ici en mon absence? demanda-t-il en attaquant sa salade d’endives. As-tu enfin rencontré la femme idéale ?
-Non malheureusement, répondit-il piteusement. J’ai l’impression qu’un mauvais sort s’acharne sur moi.
-Tu es peut-être trop compliqué. J’en connais qui sont folles de toi.
-Tu sais Erik, je suis très tatillon en matière d’amour. Les aventures d’un soir ne m’intéressent guère. Je crois au grand amour ; c’est pourquoi, je l’attends patiemment.
Erik éclata de rire.
-Il n’y a que toi pour croire à de telles fadaises !
-Un jour mon cher, tu me donneras raison.
-J’aimerai bien être pendu si cela arrive.
Ils se servirent des côtes d’agneau grillées à l’oseille.
-Hum, succulent !
-C’est délicieux, confirma Erik.
-Pour combien de temps es-tu là ?
-Je n’en ai aucune idée. Tout dépendra de mon humeur.
-As-tu appelé ton père ? Sait-il que tu es de retour ?
Le visage d’Erik se durcit. On aurait dit qu’il était taillé dans du granit.
-Tu connais ma position, Julio. Elle ne changera jamais, dit-il sans desserrer les lèvres.
-C’est que… fit Julio en pesant bien ses mots, il… ton père est venu à plusieurs reprises me rencontrer. Il voulait avoir de tes nouvelles. Je crois qu’il veut se racheter. Tu lui manques, Erik.
-C’est trop tard. D’ailleurs, changeons de sujet ! Je ne permettrai pas à mon père de nous gâcher cette belle soirée. Tu sais quoi ? Demain soir, j’aimerai m’éclater. N’aurais-tu pas une idée géniale pour moi ?
Julio éclata de rire.
-De nous deux, c’est moi qui devrais te poser cette question. Il y a un million de femmes qui demandent à être satisfaite par toi. Il suffit qu’elles apprennent ton retour pour accourir ici. Crois-moi, le choix sera des plus difficiles.
-Voyons Julio, je n’ai que faire d’elles! Je suis à la recherche de nouvelles saveurs. Vraiment, n’as-tu pas une meilleure idée ?
-Ah ! Maintenant que j’y pense, demain soir, se tient la plus prestigieuse soirée de défilé de mode. Nous devrons absolument y assister. L’un des principaux partenaires sont les dirigeants de l’industrie textile. Cela promet, crois-moi.
-Je n’en suis pas intéressé. J’ai couché avec tous les mannequins de cette ville. Je n’ai donc rien à découvrir d’intéressant.
-C’est là que tu te trompes, mon pote. Il y a une nouvelle. Bon Dieu ! Elle est canon ! C’est le principal sujet de conversation de tous les hommes de Bogotá.
-Qui est-ce ? questionna-t-il, intéressé.
-Héliana Bélizario, le sculptural mannequin. Elle est d’une beauté à couper le souffle.
-Bélizario dis-tu ? Ce nom me dit quelque chose.
-Ah ! Non. Ne viens surtout pas me dire que tu la connais !
-Elle, non. Mais sa sœur, oui. Son père n’est-il pas le célèbre Théodakis Bélizario ?
-Si. Ainsi, elle a une sœur et tu ne me l’as jamais présentée. Espèce d’égoïste !
Erik éclata de rire.
-Je me rachèterai demain, c’est promis. Florencia est une magnifique jeune femme.
-J’espère qu’elle n’a pas eu de liaison avec toi !
-Oh non ! Je l’aie toujours considéré comme ma petite sœur. Nous nous voyions souvent à Mexico lorsque j’allais acheter des tableaux dans la galerie de sa mère. En voici un.
-Un Picasso ! J’adore les Picassos !
-Dans ce cas, je te l’offre. J’en achèterai un autre la prochaine fois.
-Merci Erik. Tu es un véritable frère. Mon Dieu ! Il me tarde de faire la connaissance de cette Florencia. Peut-être est-elle la femme de ma vie ! Hou la la, j’ai des frissons rien qu’en y pensant.
-Et moi, j’ai hâte de connaître cette Héliana. En quoi est-elle différente des autres femmes que j’ai connues ? J’aimerai également savoir pourquoi Florencia ne m’a jamais parlé d’elle. A l’entendre, on croirait qu’elle est fille unique.
-Elle a sans doute eu peur que tu t’en prennes à sa sœur ! fit Julio, espiègle.
-Oh ! Ça va ! fit-il en lui donnant une tape à l’épaule.
Ils éclatèrent de rire et se servirent du champagne.
-On trinque ? proposa Erik.
-A l’amour ! dit Julio.
Erik lui décocha un regard mauvais et dit :
-Je trinque plutôt à ma nouvelle conquête.
Ils vidèrent leurs flûtes d’un trait et partirent d’un fou rire.

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