Le prologue de Destins liés

  • Roseline Nkezabahizi

PROLOGUE :

Assise à l’arrière d’une vieille voiture, Héliana Jiménez s’adossa au siège et ferma les yeux. Son esprit s’évada vers les raisons qui la poussent à se rendre à Bogotá, cette ville qu’elle ne connaissait ni d’Adam, ni d’Eve. Elle avait même du faire de l’auto-stop avant de croiser le chemin de ce conducteur fort sympathique.

Héliana vivait à Barranquilla, principal port de la Colombie sur l’atlantique, à l’embouchure du Magdalena, avec sa tante Virginia, la cadette de son défunt père et son époux Alphonso Quesada. Barranquilla compte six cent quatre-vingt onze mille habitants. Alphonso Quesada travaillait dans une entreprise d’exportation de café. Virginia quant à elle, détenait son propre atelier de couture à domicile. Elle avait d’ailleurs initié sa nièce à la pratique. Le couple avait eu de leur mariage, un garçon qui étudiait à l’étranger ; cela, grâce à la combinaison de leurs ressources et à la bourse d’étude étrangère dont il avait bénéficié. Virginia avait recueilli sa nièce à la mort de son frère Louis Jiménez car son épouse Brenda, l’avait quitté auparavant pour un homme fortuné. Héliana se souvenait comme si c’était hier, des larmes qu’elle avait versées pour retenir sa mère. Elle avait à l’époque six ans. Pourtant, cela n’avait pas attendri Brenda. Héliana n’eut que son père qui fut un amour. Mais six mois plus tard, il quitta le monde des vivants. Ce fut un choc terrible pour elle. Elle crut en effet qu’elle ne s’en remettrait jamais. Les Quesada l’entourèrent si bien d’affection qu’elle les considéra désormais comme ses véritables parents. Héliana ne sut jamais ce qui causa la mort de son père. Sa tante lui ayant dit qu’il avait une santé fragile ; quoiqu’elle l’avait toujours trouvé débordant d’énergie. Ce ne fut que le jour de son vingt-quatrième anniversaire qu’elle découvrit la vérité sur la cause réelle de la mort de son père. En effet, cet après-midi là, son oncle et sa tante ne sachant pas qu’elle était revenue de sa promenade, étaient en pleine conversation. Elle entendit sa tante dire :

« Pauvre petite ! J’ai mal chaque fois que je pose les yeux sur elle car elle me rappelle mon frère. Louis ne méritait pas une telle fin ; surtout pas après avoir fait sortir cette prostituée du champ où elle récoltait le coton. »

« Je suis tout à fait d’accord avec toi, avait dit Alphonso. Louis était certes le chauffeur de monsieur Felipe Cipriano mais cela ne donnait en aucun cas le droit à celui-ci de lui ravir sa femme et pire, de le renvoyer sans le moindre sou et de le menacer de mort. Blessé dans son amour propre, Louis s’est laissé ronger par l’amertume jusqu’à perdre la vie. Il ne vivait que pour Brenda et elle l’a trahi de la plus vile des manières. »

« Je l’ai toujours détestée, celle-là ! Dès qu’elle a su que Felipe Cipriano est l’un des hommes forts de ce pays, elle a envoyé promener mon frère. Louis ne s’en est jamais remis. Le chagrin et la trahison de cette sorcière ont eu raison de lui, dit-elle, en étouffant un sanglot. »

Héliana avait cru recevoir un coup de poignard en plein cœur. Ainsi, Felipe Cipriano et sa mère étaient à l’origine de la mort de son père. Non content de lui enlever son épouse, Felipe lui avait retiré sa seule source de revenue et l’avait même menacé de mort. Brenda non plus n’avait eu aucune pensé pour elle, Héliana. Quel genre de mère était-elle donc ? La rage s’empara d’elle. Une idée de vengeance monstrueuse germa dans son esprit. Lorsqu’elle entra en trombe dans le minuscule salon des Quesada, ils surent immédiatement qu’elle les avait entendus. La peur se dessina sur leurs visages car Héliana en dépit de son extrême gentillesse et de sa beauté à couper le souffle, piquait parfois des colères terribles. Elle les salua calmement et gagna sa chambre, ne leur laissant pas le temps de placer un mot. Elle ressortit quelques minutes plus tard avec sa vieille valise en main. Les seuls mots qu’elle prononça furent les suivants :

« Je vous aime. Mais je vous supplie de ne pas me retenir. Il faut que justice soit faite. Où puis-je trouver Felipe Cipriano ? »

En larmes, Virginia garda le silence. Le regard d’Héliana était si insistant qu’Alphonso finit par lui avouer qu’il habitait Bogotá.

-Dans ce cas, je le retrouverai, dit-elle simplement.

-Ma chérie, Bogotá est une grande ville. Tu ne pourras jamais le retrouver. De plus, tu n’es jamais sortie de Barranquilla. Tu seras dépaysée.

-Oncle, avec de la volonté, j’y arriverai, dit-elle fermement. En outre, il passe pour être l’un des plus riches de la capitale. Il ne me sera donc pas difficile de le retrouver.

-J’ai peur qu’il te fasse du mal, ma fille, dit enfin Virginia. C’est un homme puissant. S’il te plaît, laisse-moi venir avec toi !

-Non, ma tante ! Oncle Alphonso a besoin de toi. Je suis une grande fille. Je saurai me défendre. Et puis, de nous deux, c’est Felipe qui risque d’avoir de gros ennuies de même que ma maudite mère. Ne cherchez surtout pas à me retrouver. Une fois que j’aurai assouvi ma vengeance, je reviendrai. Je ne vous pardonnerai jamais si vous vous mettez à ma recherche. Encore une fois, je vous le dis, il faut que justice soit faite. Je suis une grande fille et je peux me débrouiller seule.

Sur ces mots, elle les avait embrassés et avait quitté la maison, les laissant dans le désarroi.

*****

-Mademoiselle ! Mademoiselle !

Héliana sursauta.

-Oui, qu’y a-t-il ?

-Nous sommes arrivés à Bogotá. Il est vingt-deux heures cinquante-cinq.

-Vingt-deux heures cinquante-cinq ! Mon Dieu, que vais-je faire ?

-Vous m’aviez pourtant dit qu’une personne viendrait vous chercher. Voyez-vous ladite personne ?

-Euh…oui, mentit-elle. Merci beaucoup monsieur. Dieu vous le rendra au centuple.

-Vous n’avez pas à me remercier. Au fait, je m’appelle Lucio. J’espère que nous nous reverrons. Avez-vous un numéro où je peux vous joindre ?

-Non, malheureusement.

-Dommage ! Profitez bien de votre séjour à Bogotá.

-Merci. Et merci encore pour tout, dit-elle avant de descendre.

L’homme lui jeta un regard langoureux. Il ne semblait pas décidé à poursuivre son chemin.

-À plus alors ! fit-elle, en faisant mine de vouloir traverser.

L’homme soupira et démarra. Livrée à elle-même, Héliana ne sut où se diriger. Bogotá était vraiment une grande ville et elle se trouvait très insignifiante dans son jean et son t-shirt décoloré. Elle eut envie de pleurer. Pourvu que son voyage ne soit pas vain. Tout à coup, des cris stridents se firent entendre. Elle leva la tête et vit une jeune femme en train de se débattre dans les bras d’un homme costaud au regard malveillant. Elle était fort jolie, de taille moyenne et possédait de grands yeux sombres et des cheveux d’un noir de jais. Elle était vêtue d’un corsage jaune aux manches courtes et au col V et d’une courte jupe volante de couleur rose ; à ses pieds, des bottes roses. À coup sûr, elle ne venait pas du même milieu que l’homme car lui, était vêtu d’un pantalon hip-hop, d’un t-shirt et d’un blouson. Héliana courut dans leur direction, oubliant sa valise derrière elle.

-Hé ! fit-elle, puis-je savoir ce qui se passe ici ?

La jeune femme lui jeta un regard suppliant.

-Aidez-moi s’il vous plaît ! Il ne veut pas me rendre mon sac. Mes cartes de crédits et mon passeport y sont. Que vais-je dire à mon père ? Lui qui m’a formellement interdit de sortir à une heure tardive !

-Oh, vous ! Rendez-lui son sac immédiatement !

L’homme la lâcha et saisit Héliana par le cou.

-Ne vous mêlez pas de ça ! Cela ne vous regarde pas.

-Ah ! Oui ? Eh bien, prenez ça ! dit-elle, avant de lui jeter son poing à la figure.

Sa réaction énerva l’homme qui dans sa fureur, la poussa brutalement sur la chaussée avant de jeter le sac et de s’enfuir. La violence dont il usa fut telle que la tête d’Héliana heurta le pavé. Elle perdit connaissance sur le champ et se mit à saigner. Une voiture manqua même de la renverser.

-Oh mon Dieu ! s’écria la jeune fille en s’agenouillant près d’elle, mademoiselle, allez-vous bien ? Mon Dieu ! Vous saignez !

-Que se passe-t-il ? demanda le conducteur de la voiture qui était descendu.

-S’il vous plaît, conduisez-nous à la clinique ‘’Del Bosque’’. Cette jeune femme m’a sauvée d’un voleur. Il faut qu’elle s’en sorte.

-Appelons plutôt une ambulance, suggéra l’homme.

-L’ambulance mettra du temps. Je vous en supplie, aidez-nous ! Etant donné qu’il ne s’agit pas d’un accident de voiture, il n’y a aucun constat à faire. Vous ne risquez rien.

L’homme sembla peser le pour et le contre. Finalement, il dit :

-C’est bon, installons-la à l’arrière.

-Merci.

Une fois qu’il eut démarré, elle composa un numéro de son portable.

-Allô ! Papa ?

-Allô ! Ma fille, où diable es-tu ?

-Papa, je t’expliquerai plus tard. Il y a plus urgent pour l’instant. Peux-tu me retrouver à la clinique ‘’Del Bosque’’ ?

-Oui mais, que se passe-t-il ? Tu me fais peur, mon enfant.

-Rejoins-moi et je te dirai tout.

-Ok. A tout de suite ma puce.

-Bisous papa, je t’aime.

-Je t’aime également, mon ange.

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